Tenter de faire le
« bilan » d’un voyage de 11 ou de 7 mois (Anaïs a démarré en juin
2014) n’est pas une mince affaire. Nous avons des images pleins les yeux, des
souvenirs emmêlés, un tas d’anecdotes mais il n’est souvent pas facile de
répondre à la question : « - Bon alors, raconte un peu ? »
Il nous manque en effet un peu
de recul pour tirer l’essentiel de cette expérience. Prendre la plume est sûrement
un début de solution pour essayer d’y voir plus clair dans ce méli-mélo
d’images, d’odeurs, de sons, de sensations…
Tout d’abord quelques chiffres
pour mieux cerner de quoi on parle : 2 acolytes pour 11 et 7 mois de
voyage en sac à dos, plus de 60 étapes à travers 6 pays entre l’Inde et l’Asie
du Sud-Est, 12 000 km parcourus en bus, 4 000 km en train, 2 600 km en moto et scooter, quelques 45
heures de bateau et 40 heures d’avion.
Retrouver l'itinéraire complet en cliquant sur la carte.
Il y a dans cette région du monde une diversité ethnique et culturelle impressionnante. Des Tamouls (Inde) aux Bunongs (Cambodge) en passant par les Bataks (Indonésie), les Mentawaïs (Indonésie) et les Ladakhis (Inde), il y a des cultures et des univers de vie très différents. L’un des objectifs d’un voyage est de revoir ses références, d’élargir le champ des possibilités. Ce paragraphe propose de faire le point sur les habitudes de vie qui nous ont surpris dans les différentes cultures découvertes.
La notion du temps peut être bien différente
suivant les cultures. « Demain » est souvent une notion assez vague
qui peut désigner le lendemain comme la semaine qui suit. Il vaut mieux être au
courant quand on vous propose un curry d’agneau ou une activité alléchante. D’autre
part, le découpage travail / temps libre n’est souvent pas évident. Beaucoup
vivent sur leur lieu de travail et les horaires n’existent pas vraiment. Quelqu’un
qui travaille est prêt à vous accorder une heure à une après-midi pour vous
aider ou simplement vous offrir un thé et passer un bon moment.
Les
références en termes d’hygiène sont
parfois très différentes suivant les cultures. L’Inde est sûrement le plus
choquant avec les égouts à ciel ouvert, les déchets jetés dans la rue, les
crachats à vos pieds ou la vue d’enfants ou d’adultes réalisant la grosse commission
dans la rue. L’accès aux toilettes qui nous semble basique ne l’est pas pour plus
de 2 milliards de personnes en 2014. Nous avons été surpris la première fois
qu’on nous a répondu : « dans la forêt ».
L’absence d’intimité est une constante.
Dans de nombreuses cultures, toute la famille vit sous le même toit, dort dans
la même pièce. Chez les Mentawaïs, des maisons sont bâties au milieu de la
jungle pour que les couples puissent se retrouver dans l’intimité (pour faire « Chiki
chiki » pour reprendre les propos de notre guide). Dans les villages bunongs,
la toilette se fait au puits au milieu du village à la vue de tous.
La découverte des cuisines est une partie des
plus plaisantes d’un voyage. Globalement, il faut aimer le riz et les épices
pour un voyage si long en Asie. Les cuisines thaïlandaises, cambodgiennes et vietnamiennes
sont les meilleures que nous ayons dégustées tant pour la diversité que la
finesse. Nous aussi avons eu l’occasion de goûter des mets moins attrayants comme
des gros vers blancs cuits à l’étouffé, des criquets ou encore du chien… La
majorité des indiens sont végétariens ce qui est impressionnant à cette échelle.
L’absence ou la rareté de viande au repas est cependant une constante pour
beaucoup de cultures. Chez les Mentawaïs ou les Bunongs, il faut d’abord tuer un
de ses animaux pour manger de la viande. Le rapport est donc bien différent.
Les animaux sont avant tout une monnaie d’échange. Leur viande est réservée
pour les repas de fête.
La place des religions est encore importante
dans la plupart des cultures traversées. Le son des mosquées et des temples
résonnent régulièrement et ponctuent les journées (et les nuits …). Les
temples hindous ou bouddhistes, les mosquées et plus rarement les églises
quadrillent les villes. A Bali et en Inde, les fêtes religieuses sont quasi-quotidiennes.
Nous avons aussi pu échanger avec des Hommes de religion animiste sur leur
croyance. Ces derniers accordent une âme aux éléments de la nature et aux
ancêtres. Ils les respectent et les invoquent pour espérer la réussite dans
leur entreprise. D’autre part, certains lieux de pèlerinage, où la ferveur
religieuse est importante, dégagent une énergie qui ne laisse pas insensible.
La préservation des savoir-faire manuels impose
le respect. Nous nous sommes souvent sentis maladroit devant des locaux plus
habiles, plus manuels. L’artisanat est globalement très répandu. Chez les Ladakhis,
les vêtements sont confectionnés avec la laine pashmina des troupeaux de
chèvres, les ustensiles de ménage, la vaisselle et les bijoux sont fabriqués
dans les maisons pendant le long hiver. Chez les Mentawaïs, tout le monde
construit sa maison et fabrique même d’abord les outils pour la construction.
Les arcs, les flèches et les lances pour la chasse sont aussi fabriqués
manuellement avec les matières premières locales. Enfin chez les Bunongs, les
paniers sont tressés dans chaque maison avec du rotin ramassé dans la jungle.
Outre les surprises liées aux différences culturelles, ce type
d’aventure amène également des réflexions de par le changement de mode de vie
du voyageur.
Le sentiment
de liberté est incroyable au cours
de ce type d’aventure à condition de ne pas s’imposer de contraintes comme un
billet « tour du monde » avec des vols planifiés. Le plus fort d’un
voyage à durée indéterminée est d’écouter son cœur pour guider ses pas. Même
s’il est bien d’avoir un cap, un fil rouge, le fait de voyager, de vivre sans
contrainte, sans programme permet de mieux apprécier le quotidien. Il est
reconnu que vivre le moment présent est un des secrets du bonheur mais c’est
plus difficile quand on a un planning chargé et des contraintes plein la tête.
Le fait d’étudier librement les opportunités qui se présentent est le principal
intérêt d’une telle expérience nomade.
Ce type
d’aventures est un voyage dans l’espace et
dans le temps. Les cérémonies religieuses en Inde sont reproduites
minutieusement à l’identique depuis des millénaires. L’agriculture vivrière est
encore la norme dans certaines régions. L’utilisation de la traction animale ou
de la faucille pour la moisson nous ramène à un autre temps. Du fait de l’éloignement
et/ou de conditions de vie particulières, des cultures ancestrales sont
extraordinairement bien préservées et constituent des témoignages saisissants. Partager
le quotidien de population chasseur/cueilleur était une expérience incroyable.
La simplicité des modes de vie de
plusieurs cultures dont nous avons partagé le quotidien est remarquable. Le
fait de ne rien posséder permet probablement de conserver les oreilles proches
du cœur. Nous avons été à plusieurs reprises touchés par le partage et la joie
de vivre des locaux les plus démunis. Les maisons sont souvent vides, les repas
sont pris à même le sol. C’est surprenant mais certains n’utilisent pas de
matelas. Les premières nuits ont été dures, nous avions mal aux os au réveil,
mais nous nous sommes vite habitués. D’autre part, l’éloignement avec notre
société hyper-connectée procure un réel apaisement.
La nature est source d’énergie et de bien-être.
Nous avons été plusieurs fois subjugués par la beauté des paysages (la chaine
de l’Himalaya dans le Ladakh, les volcans du sud de Java, les rizières en
terrasse à Bali, les cascades des montagnes Cardamones, les collines du
Mondulkiri, les rochers d’Hampi…). La contemplation de la nature procure apaisement,
sentiment de bien-être et énergie.
Les belles rencontres font le caractère spécial d’un voyage. On se comporte
souvent de manière différente lorsqu’on voyage, on est plus disponible, on
prend le temps de vivre. On fait de ce fait plus de rencontres avec des locaux attachants
comme avec des voyageurs atypiques. En outre, les sensations sont plus fortes,
les rencontres ont donc une saveur particulière et restent gravées dans les
mémoires. La générosité et la confiance de certains hôtes, la gentillesse des
balinais, la disponibilité des indiens et les discussions avec certains
voyageurs font aussi partie des éléments qui alimentent la pensée.
Les lectures font aussi partie du voyage et
participe entièrement aux réflexions. A défaut de citer l’ensemble de nos
lectures on peut noter quelques-uns des livres les plus marquants :
« de l’Origine des Espèces » - C. Darwin, « L’Alchimiste »
- P. Cuelo, « Voyage au bout de la nuit » - F. Celine, « Léon
l’Africain » - A. Maalouf, « L’usage du monde » - N. Bouvier, « La
Prophétie des Andes » - J. Redfield, « Martin Eden » - J.
London, « L’Ame du monde » F. Lenoir, « Bhagavad-Gita » ;
« Ramayana » - attribué à Vâlmîki.
Vous vous doutez
que ces aventures, la découverte de ces cultures, ces rencontres, ces lectures font
bouger les lignes, questionnent notre mode de vie. Nous ne sommes pas
réellement transformés, mais ce voyage dans l’espace et dans le temps renforce
notre conviction que le monde actuel ne va pas dans la bonne direction. Malgré
une prise de conscience d’un nombre croissant de citoyens du monde, nous continuons de vivre de manière de plus
en plus déconnectée de la nature et de moins en moins en accord avec notre
environnement…
Merci à tous nos lecteurs pour
les messages d’amitié et de soutien transmis pendant cette aventure. Nous
espérons que ces récits, photos, vidéos vous auront fait rêver et voyager. Nous
espérons avoir l’occasion d’en discuter avec vous, mais j’ai bien peur que
notre réponse à la question « - Raconte un peu » ne soit pas plus
claire après la rédaction de cet article.
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